Une missive attendue

C’était un matin brumeux, comme ces matins où tout vous semble gris, où rien ne vas et où vous vous dîtes « j’aurais mieux fait de rester couché » ! Frère Neals descendait les marches de l’Abbaye comme à son habitude, et se dirigeait vers la boîte aux lettres pour prendre connaissances des correspondances qui s’y trouvaient.
Tout était calme, il n’avait rencontré personne et malgré sa relative bonne humeur, il ne comprenait pas pourquoi son cœur était lourd. La journée précédente s’était déroulée comme toutes les autres, entre la paperasse de la gestion de la Guilde, les remontrances envers les membres les moins disciplinés et la lecture à laquelle il vouait la plus grande partie de ses journées.
Il faut dire que depuis quelques semaines son activité n’avait cessé d’augmenter, et les responsabilités qui allaient avec étaient allées grandissantes ! Tout ça depuis la disparition de Thorkwill, aussi mystérieuse qu’incompréhensible et qui avait suscité beaucoup de discussions et de mécontentement au sein des hautes instances du LXIX. Là haut on avait commencé à émettre des doutes quant au choix du dirigeant du VI et on avait même osé avancer des hypothèses de détournement de fonds qui avaient mises Le Messager sur la sellette !
Cependant, à son niveau, Frère Neals n’avait jamais douté des intentions du bon vieux Nain roux, et il se persuadait qu’il avait sûrement dû avoir une bonne raison de quitter précipitamment l’Abbaye.
Tout en se remémorant les événements récents qui avaient bouleversés l’équilibre même du LXIX, Frère Neals continuait son chemin vers la boîte aux lettres. Aujourd’hui il allait encore devoir convaincre les employeurs de prolonger leur attentes pour l’aboutissement des missions en cours, et il devrait sans doute trouver de nouveaux financements pour continuer à faire tourner la Guilde. D’autant plus que certains membres mangeaient comme quatre, et apparemment ils n’étaient pas que de passage !!

C’est d’un pas apparemment léger que Frère Neals s’arrêtait devant la boîte à correspondance. Le temps de sortir la clé, la boîte accouchait d’une bonne petite dizaine de lettres plus où moins heureuses de retrouver l’air libre. De ci de là, Frère Neals parcourait l’essentiel de la correspondance : factures, impôts, lettres de menace, courriers rappelant les missions en cours….et tout au fond une missive semblait chiffonnée. Elle semblait avoir parcouru un long trajet et elle sentait malgré tout encore le bon vieux tabac. L’air surpris et s’interrogeant sur la provenance de celle-ci, ses yeux se posèrent sur la ligne indiquant l’expéditeur : un sentiment d’impatience mêlé à son cœur qui battait la chamade achevèrent de retourner le pauvre Neals.
Thorkwill !! La lettre était une lettre de Thorkwill qui avait du voyager longtemps avant de finir sa vie dans la boîte aux lettres de l’Abbaye. Elle semblait avoir souffert mais apparemment son contenu était encore intact. C’était le plus important aux yeux de Frère Neals, et se sentant chanceler sous l’effet de la joie et de la surprise, celui-ci se rattrapa de justesse contre le mur de l’Abbaye. Les questions se bousculaient dans sa tête : donnait-il de ses nouvelles ? Annonçait-il son retour ? Etait-il en danger ? Prisonnier ? Un mal de crâne s’empara soudain de Neals et il se calma un instant. Il valait mieux souffler et reprendre ses esprits, d’autant plus que quelques moines aux alentours commençaient à froncer les sourcils ! Il décida de prendre la lettre avec lui mais de retarder son ouverture à plus tard.
En effet son contenu concernait tous les membres de la Guilde et il se devait de les réunir avant d’en livrer les secrets. La journée allait être longue, oh oui elle allait être longue en attente !

Le soir même, la plupart des membres de la Guilde étaient présents et il ne manquait que quelques compagnons dont on savait qu’ils étaient retenus au loin. Il faisait un peu froid dans l’Abbaye et dehors l’orage grondait ! De ci de là on voyait des éclairs zébrer le ciel et les coups de tonnerre ressemblait à des grondements menaçants.
Ils étaient tous là : Althae, le Guide du IX qui avait enfin pu se libérer depuis des semaines d’absence et qui vu la nouvelle avait accouru, Algade le Carto, Dreack le Scientifique, Kaotchy la Mage, Shabhal qui faisait le trajet de l’Abbaye en long et en large, Eraëk et Erakh, tous les deux dans un coin et qui attendaient des nouvelles de leur Guide, mais aussi Trôÿ, qui était entrain de se chamailler avec l’autre recrue entrée récemment, Ardamirë, et enfin Thalma, qui comme à son habitude mangeait un morceau pour passer le temps, et qui commençait déjà à ronchonner un peu !
Frère Neals se débrouilla pour faire un peu de silence et c’est avec une grande impatience qu’il annonça qu’un courrier de Thorkwill était parvenu à l’Abbaye et qu’il avait attendu que tout le monde soit réuni pour entreprendre son ouverture. Lentement, il déchira le haut de la lettre et il sorti la correspondance tant attendu. Le papier était un peu humide mais vu sa qualité, il avait résisté au voyage et Neals se prit à sourire en songeant que Thork avait du choisir un papier suffisamment résistant pour que ses nouvelles parviennent sans encombre à la Guilde. S’éclaircissant un peu la voix, il entreprit de lire la lettre aux membres de la Guilde :


Mes amis,

C’est le cœur bien triste de ne pas vous avoir à côté de moi que j’entreprend de vous donner de mes nouvelles. Il s’est passé de nombreuses choses depuis que je suis parti et je me devais de vous donner des explications quant à ma disparition. Tout d’abord sachez que je vais bien, du moins je vais un peu mieux, mais que je ne serais jamais plus aussi fringuant qu’auparavant mais ça je l’ai accepté et c’est le cœur léger que je vais vous en parler.
Je pense que tout le monde se souvient de cette mission, il y a quelques semaines, dans laquelle nous avions été engagé pour amener une pierre à un destinataire. Cette pierre, tout le monde l’avait remarqué, affectait son porteur, et comme j’avais pris la responsabilité de la porter, j’en ait été sa victime en même temps que son salut. Le changement a été profond chez moi, pensez donc, un VI qui se comportait comme la pire des crapules et qui affectionnait plus que tout au monde ce vulgaire bout de caillou. Je suis encore un peu aigrit par cette mésaventure, mais j’ai néanmoins compris plus tard que le mal qui m’avait rongé ne serait jamais totalement dissipé ! Malgré l’aide des Elfes et de Dreack pour m’aider à vaincre cette malédiction, j’ai été souillé dans mon âme même et par là dans mon corps. Si je devais résumer mon état d’esprit à la suite de cette mission, je dirais que j’aurais voulu mourir plutôt que de subir le poids de cette tragédie !
J’ai en effet perdu l’usage de mes pouvoirs de Paladin, ce qui faisait ma fierté et surtout, paix à son âme, qui constituait le vœu de mon ancien maître et par là j’ai perdu une partie de moi-même. Les jours suivants, je n’ai cessé d’implorer le ciel et de faire la paix avec mon âme mais rien n’est revenu . De plus j’ai subi une contrainte physique extrême et devant ces douleurs, j’ai préféré prendre une décision plutôt que de me voir foncer dans l’abîme. Quelques jours après nôtre mission, je prenais un matin mon sac, et je décidais de m’éloigner, non sans une certaine amertume, mais confiant que j’avais pris le bonne décision.
Comprenez moi, j’aurais pu en parler autour de moi avec vous, mais je ne voulais pas vous accabler d’un poids qui me concernait seul. De toute façon rien ne pouvait changer cet état de chose et je ne voulait surtout pas compromettre l’évolution de la Guilde. J’ai sûrement dû vous causer du souci et en ça je m’en excuse aujourd’hui devant tous..
Néanmoins aujourd’hui je vais assez bien, la preuve j’ai pris ma bonne vieille plume et je fume une bonne pipe en vous contant un peu de mes nouvelles. Je coule des jours heureux dans une petite Abbaye assez sympathique où je passe mes journées entre balades (eh oui Althae je ne vais quand même pas laisser mon abdo unique devenir une bidoche pendante) et beaucoup de lecture. Ici de toute façon c’est calme et on respire le bon air. Ca me rappelle un peu Dun Morogh parfois mais le climat y est assez changeant. Au fait j’en profite ici pour te dire, Neals, que les ouvrages qu’ils ont ici sont splendides et que si un jour j’apprend les secrets de l’enluminure, et si j’en ait l’autorisation, je t’enverrais un ou deux manuscrits !

Trêve de bavardages inutiles venons en à chacun de vous :

Dreack le Scientifique : J’espère que tu vas pour le mieux, vieil ingénieur et que tu n’a pas retourné toute l’Abbaye avec tes inventions rocambolesques. Raah ça me manque les conversations techniques avec toi, mais si un jour j’apprend qu’on a enfin pu téléporter un corps sans encombre…héhé je penserais sans doute à toi !! Je ne t’ai jamais remercié de m’avoir sauvé de l’emprise de cette pierre, mais aujourd’hui je peux dire…merci l’scientifique ! Tu sais si tous les Gnomes étaient comme toi, je pense qu’on pourrait repeupler Azeroth avec ta race... hahaha. Ton « tact » me manque beaucoup, avec toi on moins on savait ce que tu pensais rien qu’en t’observant. Y a certains moines ici à qui tu devrais donner des leçons de libertinage !

Algade le Carto : J’ai une pensée un peu émue pour toi l’VI, toi qui nous a mené par delà les montagnes et par delà les océans dans nos missions les plus folles... Même si parfois on faisait un peu des détours pour rien … héhé !
J’espère que tu vas bien aussi… Si d’aventure tu es allé en Outreterre, comme c’était nôtre rêve, j’espère que tu te remplis bien les yeux avec le spectacle qui t’es offert ! Tu me manques aussi, surtout la façon que tu avais de me vouvoyer, héhé… beaucoup de respect s’en dégageait ! Continue de tracer ta route mon ami, continue aussi de la tracer pour les autres, et reste le même sans jamais changer… Qui sait peut être qu’un jour tu tomberas là où je suis, et ça me fera plaisir de te revoir ! Passe le bonjour à ton Papa aussi, et dis lui qu’ici c’est la Tonnebière qui domine !

Shabhal : Ca fait chier quand même de se souvenir avec nostalgie des bons moments qu’on a passé. Je t’ai pas trop côtoyé au départ (paperasse quand tu nous tient) mais cette aventure avec toi m’aura permis de voir que tu es quelqu’un sur qui on peut compter… Une valeur sûre avec laquelle le LXIX pourra toujours compter !! J’ai senti beaucoup d’amour entre toi et le LXIX et je me tromperais pas en disant que tu le considère comme ta famille !
Si c’est l’cas, alors chéri le et fais le toujours passer avant toute les priorités dans ta vie. Rentrer au LXIX, c’est finir sa vie là-bas ! J’aurais aimé plus te côtoyer, mais le temps n’est pas aux regrets mais plutôt à l’espoir. Soit fort Shabhal, car sur toi reposes une charge lourde : celle de tenir debout face aux déséquilibres de la Guilde, quel qu’en soit le prix ! Je te le demande, soit fort !

Les autres membres de la Guilde et les nouveaux et futurs : Que dire sinon que j’espère que vous serez digne de la Confrérie dans laquelle vous êtes entré. Le LXIX ça reste votre priorité alors respectez le plus que vos vies ! Que ce soit les IX ou mes VI, je reste persuadé que vous saurez faire les bons choix pour réaliser la symbiose nécessaire à la Guilde. Alors Kaotchy, j’espère que tu trouveras ta voie dans les arcanes (je me souviens de ton recrutement, toute timide… héhé… tâche de t’affirmer plus car ça te donneras confiance en l’avenir), Thalma… ben disons que j’espère que ton avenir sera plus clément que ton passé, que tu continueras à enflammer le LXIX avec ta joie de vivre et ta bonne humeur (quoique…), et pour tous les autres je vous souhaite de réussir tout ce que vous entreprendrez dans le LXIX… Soyez fier de vous et agissez toujours discrètement !

Althae, mon vieil ami : Alors là c’est le plus dur à écrire vu que je ne saurais pas par quoi commencer ! On m’aurait dit que l’amitié entre un elfe et un Nain était possible, avant je l’aurais jamais cru et pourtant je dois dire que je l’ai vécu ! Mon vieil ami, j’espère que je ne te donnes pas trop de boulot depuis mon départ ! Je sais que tu dois batailler dur devant les difficultés et ça me navre profondément ! J’espère juste qu’un jour tu comprendras pourquoi j’ai du partir. Je ne saurais relater tout ce qu’on a vécu ensemble, je retiendrais juste que tu es de la famille pour moi, tu es comme mon frère !! Je suis déjà en train de briser ma vieille carapace et je commence à mouiller le papier quand je repense à tout ce qu’on a entrepris. Mouarf tu me manques beaucoup, ta bonne humeur, ta façon de m’appeler « abdo unique », tes responsabilités, ton charisme qui faisait que même un Nain Paladin pouvait ressentir ton aura plus forte que la sienne, les coups de gueules, les beuveries… C’est dur à écrire mais ça va beaucoup me manquer là où je suis..Comme je ne pense pas revenir un jour, j’espère que durant tes explorations, un jour, tu tomberas sur mon Abbaye et que je pourrais de nouveau te donner une bonne accolade amicale, comme celle entre deux frères… Tu aurais marqué mon existence de Nain, et pour qu’un Nain dise ça d’un Elfe, c’est que vraiment tu as du me toucher profondément... Je ne te dis pas adieu, mon ami, mon frère, mais juste à bientôt car je sais qu’un jour où l’autre, on se retrouvera, ici où ailleurs !!


J’ai un dernier message pour Frère Neals : j’ai pris les dispositions nécessaires pour que tu deviennes le nouveau Guide du VI en attendant, un jour, que quelqu’un prenne le relais. Je ne dis pas que j’ai été bien reçu là haut et je dirais même qu’ils ont été assez content de me voir faire mes valises, mais en tout cas ils ont accepté et en ça, je les remercies. Neals, mon vieux, je te confie mes ptits VI, soit pas trop dur avec eux et continue à bien veiller sur le LXIX comme tu l’as toujours fait !

Un dernier au revoir à tout le monde, d’autant plus que l’encre dans mon plumier arrive à la fin ! N’essayez pas de me retrouver, je vais bien là où je suis et je me sens bien plus à l’aise que lors de mon départ. Dîtes vous seulement qu’on ne doit pas vivre avec des regrets mais seulement avec de la joie de vivre. Si c’est plus dur pour vous de l’accepter, imaginez donc pour moi !! J’aimerais vous dire que je reviendrais un jour mais rien n’est certain, comme rien n’est impossible. Peut être qu’un jour on se retrouvera où peut être que là haut parmi les Saints d’Azeroth, on pourra rire de nouveau ensembles.

Au revoir mes amis, prenez soin de vous, je garderais toujours un œil sur vous, peu importe où je serais…

Amicalement,

Thorkwill.



Il pleuvait dehors de plus belle mais rien dans la pièce ne semblait pouvoir dissiper un silence de deuil…

Ce fut Shabhal le premier à rompre le silence de plomb qui régnait dans la petite pièce en bois. Ces yeux brillaient, il se leva et lorsqu'il prit la parole, tous purent entendre comme un tremblotement dans la voix du nain.

Il fit l'éloge d'un nain au charisme, à la gentillesse et à la droiture sans égal ! Un compagnon de route et d'aventures agréable, toujours souriant, présent pour ses VI comme pour les IX. Leur rencontre avait été finalement très courte, mais Shabhal n'en gardait que de bons souvenirs qu'il rappela aux membres l'entourant et c'est le coeur lourd, refoulant ses larmes, qu'il conclu son discours improvisé par un "A bientôt, mon ami, mon frère !" .

Le guerrier, essayant tant bien que mal de garder une mine impassible, se rassit. Il sentit une main fraiche sur son épaule, il tourna la tête et vit Kaotchy à ses côté. Elle essaya de lui dire quelque chose mais n'arriva qu'à lui faire un petit signe d'acquiescement de la tête.

Dehors, un violent éclair suivi immédiatement d'un terrible fracas, comme si le ciel lui même se déchirait, rompit le silence à nouveau présent dans la salle.



[hrp]

Je ne trouve pas les mots pour en dire plus, je tiens juste à te féliciter pour ce magnifique message !! J'ai commencé ce texte avec le sourire et je l'ai fini avec une boule dans la gorge et les yeux humides une fraction de seconde, et ce n'est pas juste une image...bravo !

Kao, j'espère que ta présence dans mon texte ne te gêne pas...

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Eräek resta de marbre, bouleversé par le récit.
Il voulu prononcer une parole mais, il préféra laisser son silence de deuil dire tout ce qu'il n'aurai pas pu exprimer...

Il se tourna vers Shabhal qui s'était déjà rassit, ces traits bougeaient à peine. Eräek ferma ses yeux humides, et, il eu dans son esprit des pensées pour son guide disparut...


(Hrp)
Magnifique texte, vraiment ! Tout comme Shab' j'étais réellement ému à la fin de la lettre.
Bravo !
(/Hrp)

Algade s'enfonça dans son chapeau pour cacher ses larmes.
Après le discours de Shabhal, il releva la tête, essuya de la manche ses yeux mouillés, et d'une voix pleine de chagrin il ne pût dire que:

"J'.. J'suis.. Sans voix.."

Il se leva et sortit dehors s'asseoir sous un arbre, protégé de la pluie battante.



:hrp: Pouah.. Chapeau bas. :/hrp: